Mohamed Nedali est écrivain marocain francophone qui se caractérise par son éloquence et sa pertinence parées d’une fine plume. En 2012, le Prix littéraire La Mamounia attribué à son roman Triste jeunesse Editions de l’Aube (France) et Editions Le Fennec (Casablanca) vient souligner son talent et récompense ainsi son oeuvre littéraire. Mohamed Nedali vient de publier son sixième roman intitulé Le jardin des pleurs, Editions de l’Aube & Le Fennec. Pour ainsi dire Mohamed Nedali est un must des booklist et l’Eclectique a pu lui poser quelques questions. 

Dans votre dernier roman, le jardin des pleurs, vous évoquez les injustices que subissent les femmes dans la société marocaine. Comment voyez-vous le Maroc des femmes en perspective ?

Mohamed Nedali, écrivain

Mohamed Nedali, écrivain

Comme tous mes concitoyens, j’ai beaucoup souffert de l’injustice durant les années de plomb, et même après. Ceci m’a beaucoup marqué, traumatisé, même. Aussi l’évoquè-je continuellement dans mes œuvres comme beaucoup d’autres écrivains qui ont emprunté la même voie que moi. L’écriture exutoire. Ou catharsis. Dans mon dernier roman, Le Jardin des pleurs, Souad, la serveuse, est, certes, la principale victime des injustices ; mais son mari aussi en souffre autant, ou presque. Les injustices sont en ceci comme les catastrophes naturelles : elles s’abattent souvent sur les plus démunis, sans distinction d’âge ni de sexe. Cela dit, j’ai la ferme conviction que les droits et la dignité de la femme marocaine et arabe, en général, ne peuvent être assurés que dans des systèmes laïques, où la religion est une affaire strictement privée – ce que bien des femmes dans nos pays n’ont malheureusement pas encore compris.

Le jardin des pleurs, un roman profond et juste qui parvient finement à vous plonger dans les méandres d’une femme, d’un couple au Maroc. Inspirée d’une histoire vraie le roman est une mise en perspective acerbe et critique de la société marocaine. L’injuste justice, le fléau corruption, l’amour, les hommes et la foi sont interrogés subtilement par Mohamed Nedali sans pesanteur avec un rythme qui vous laisse en éveil. L’ironie et la pointe d’humour sont la signature de l’auteur pour donner de la légèreté à l’insoutenable réalité marocaine. Une invitation à méditer pour un Maroc différent.

Le jardin des pleurs, un roman profond et juste qui parvient finement à vous plonger dans les méandres d’une femme, d’un couple au Maroc. Inspirée d’une histoire vraie le roman est une mise en perspective acerbe et critique de la société marocaine. L’injuste justice, le fléau corruption, l’amour, les hommes et la foi sont interrogés subtilement par Mohamed Nedali sans pesanteur avec un rythme qui vous laisse en éveil. L’ironie et la pointe d’humour sont la signature de l’auteur pour donner de la légèreté à l’insoutenable réalité marocaine. Une invitation à méditer pour un Maroc différent.

Selon l’endroit du monde dans lequel on se trouve, le livre a beaucoup ou aucune importance. Qu’est-ce que la lecture des livres peut offrir à la jeunesse, au Maroc ou ailleurs ?

Cela dépend de quels livres il s’agit. Il est des lectures qui n’apportent rien au lecteur ; certaines peuvent même lui nuire gravement. Adolescent, j’ai passé beaucoup de temps à lire en arabe des livres d’exégèse, des recueils de hadiths, de la littérature à caractère religieux ou moralisante comme les romans de Moustapha Lotfi Elmanfalouti (Annadarates, Al Abarates…) ou les ouvrages hagiographiques de Abbas Mahmoud El Akkad regroupés sous le titre AlAbkariates … Quelques années plus tard, quand j’ai commencé à lire en français, je me suis rendu compte que j’ai perdu mon temps, ou presque.

Par contre, si elle est conseillée par un esprit éclairé, la lecture peut être un moyen de former des citoyens bien éduqués, cultivés, suffisamment armés pour affronter la vie et ses aléas. A ce propos, je cite souvent une parole de l’écrivain franco-libanais Amine Maâlouf qui disait dans l’un de ses textes : « Si vous arrivez à lire quarante bons livres, de ce que moi j’appelle bons livres, vous pourrez regarder la vie en face ! »

 La culture et la littérature peuvent-elles être un levier de vivre ensemble face au repli identitaire et à l’intégrisme ?

J’ai la ferme conviction que la lecture des œuvres littéraires est le meilleur rempart contre l’intégrisme. Un homme qui a lu est définitivement à l’abri de toute tentation extrémiste. Il n’est pas étonnant que les intégristes s’en prennent systématiquement à la culture, à ses hommes et à ses emblèmes : c’était naguère le cas en Algérie avec l’assassinat des intellectuels, c’était aussi le cas en Afghanistan et la destruction des bouddhas géants par les Talibans, ou encore au Mali tout récemment où des esprits d’un autre âge ont brûlé des centaines de livres anciens… La littérature adoucit les mœurs, éveille les sens, tempère les ardeurs, développe l’esprit critique chez le lecteur, lui inculque les grandes valeurs de l’humanité, à savoir le respect de l’autre, la tolérance, la solidarité, la fraternité…

La culture et la création artistique sont-elles une alternative aux modes d’expression classiques d’idées telle la politique ?

Depuis quelques années, les peuples, aussi bien de l’Occident que de l’Orient, se détournent de plus en plus de la politique et de ses hommes, certains que le véritable pouvoir est désormais entre les mains des multinationales et des magnats de la finance. Parce qu’elle est, par définition, une forme de résistance à ce genre de dérives, la culture peut effectivement être une bonne alternative. Et elle l’est déjà, puisque les écrivains et les artistes sont, dans bien des pays, les premiers à dénoncer les dérives politiques et économiques. Le discours politique, qu’il soit de gauche ou de droite, laïque ou religieux, est aujourd’hui décrédibilisé, alors que le discours culturel est de plus en plus écouté, de plus en plus apprécié. Il n’est pas étonnant que certains hommes politiques, notamment en Occident, tentent de se faire une virginité en s’intéressant à la culture et à l’art. Certains se sont lancés dans l’écriture ; il n’y a, à titre d’exemple, plus de grand ponte de la politique française qui n’ait publié son livre.

Enfin, voyez-vous le livre comme une source de rencontres avec soi et le reste du monde ?

Lire et écrire sont des activités qui s’exercent dans la solitude et le silence, exactement comme la réflexion ou la méditation. En lisant, il m’arrive souvent de me poser des questions sur moi-même et sur les autres. Quand, à titre d’exemple, je lis un roman de Haruki Murakami, l’écrivain japonais, j’éprouve les mêmes sensations que les lecteurs japonais à l’autre bout de la Terre. L’un des plus grands enseignements qui me sont restés de mes lectures étrangères est le fait que l’humanité est, au fond, uniforme : nous sommes les mêmes, quelques soient notre situation géographique, notre histoire, nos croyances, notre culture… C’est un constat simple, diriez-vous, mais quand on l’a fait, on se réconcilie avec notre condition humaine et, partant, avec soi-même et avec les autres.

Interview réalisée par Sarah Anouar. This interview is also available in english, here.

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