Marjane Saidi est une artiste-peintre qui vit à Montréal, Canada. Ses peintures reflètent ses “fragments de souvenir” et elles sont aussi l’expression de son attachement à l’héritage culturel persan, la nostalgie de son pays d’origine et la poésie. Pour L’Eclectique, Marjane Saidi présente son parcours, son oeuvre artistiques et son voyage dans la création.
Depuis très jeune, je suis attirée par la peinture. En effet, issue d’une famille passionnée par les arts plastiques, je passais des heures à regarder mes tantes peindre des toiles et j’essayais de les imiter à ma façon. Plus tard, j’ai suivi des cours de dessin pour apprendre à dessiner des oiseaux, des fleurs, des paysages. Les œuvres de Matisse, de Chagall, de Picasso et de Modigliani étaient pour moi le summum de la beauté. Mais le cours de la vie m’a éloigné de cette passion. Pendant des années, j’ai laissé de côté le désir de peindre. J’ai fait mes études supérieures à Paris dans le domaine de l’économie et de la finance pour commencer à travailler dans des institutions financières. J’ai écrit et publié des articles dans des revues spécialisées. Quant à mon désir pour la peinture, je le comblais en visitant les musées et les galeries d’art jusqu’à il y a deux ans. J’ai enfin décidé de me mettre à peindre dans mon intimité.
“c’est ce jeu de confusion ou de va et vient que je voudrais mettre en évidence à travers des fenêtres ouvertes ici ou là sur la peinture.”
Originaire d’Iran, je suis née à Téhéran en juin 1965, mais j’ai passé la majorité de ma vie à l’extérieur de mon pays d’origine. D’abord à Paris pour faire mes études supérieures puis à Montréal où je vis depuis une vingtaine d’années. Habituée à la vie parisienne, j’ai trouvé à Montréal un point de rencontre intéressant entre l’influence européenne et l’influence nord-américaine enrichie par un nombre important de nouveaux arrivants; ce qui fait, entre autres, le charme de cette ville. Montréal est une ville cosmopolite dans laquelle on peut avoir des activités cultuelles et nocturnes comme dans une capitale européenne tout en ayant le confort et les facilités d’une vie familiale. Selon moi, cela représente le plus grand avantage de cette ville malgré ses hivers rudes.
J’aime beaucoup voyager, découvrir, déambuler dans les villes, faire partie d’un lieu sans en faire partie et vivre des moments. Parmi mes voyages, je visite assez régulièrement mon pays natal explorant chaque fois une nouvelle ville ou région. Ces voyages m’apportent des étincelles et tissent mes souvenirs.
Mes peintures représentent des fragments de souvenirs de mon héritage persan que j’essaie de garder en vie en suivant le rythme de mes pensées. Pour revivre toutes ces émotions nostalgiques, j’utilise des éléments de l’architecture traditionnelle, des motifs décoratifs, utilisés par les miniaturistes, enlumineurs ou calligraphes, et des couleurs de la faïence, de la céramique et surtout des tapis persans en les projetant au-devant de la scène. Tous les éléments et motifs décoratifs que j’utilise font partie intégrante de la nature et c’est ce jeu de confusion ou de va et vient que je voudrais mettre en évidence à travers des fenêtres ouvertes ici ou là sur la peinture.
“La colombe, le cheval et le poisson rouge ont une place spéciale. Symboles de la liberté, de la paix, de la force et de la vie, ils sont présents et forment l’âme du tableau, le sujet ou l’objet”
Le jardin est omniprésent dans la culture persane. Les céramiques émaillées des mosquées et des mausolées persans représentent des motifs végétaux qui rappellent un jardin ou même le tapis. Certains de mes tableaux sont des tapis inachevés qui se fondent dans la nature. Ainsi, le tapis devient un jardin et le jardin un tapis. J’appelle certaines de mes toiles des miniatures « grotesques ». Ici ou là, des visages féminins comme une évocation des miniatures, dominent tendrement ou surveillent timidement la scène. Dans certaines toiles, le personnage féminin est projeté en avant comme une héroïne habitée par son héritage culturel. La colombe, le cheval et le poisson rouge ont une place spéciale. Symboles de la liberté, de la paix, de la force et de la vie, ils sont présents et forment l’âme du tableau, le sujet ou l’objet. La poésie iranienne laisse parfois sa marque sur la toile. J’essaie de superposer tous ces éléments dans une profusion de couleurs et de formes. J’aimerais que mes tableaux montrent une mémoire et qu’ils soient une pause rafraichissante pour le spectateur en lui apportant un regard positif et un sentiment de paix et de gaité.
Mes œuvres sont réalisées à l’acrylique et parfois à l’encre de chine. Je peins à plat. Les traits sont simples, les couleurs sont chaudes et empruntent la lumière. Une idée donne naissance à un croquis sur papier; par la suite reproduite sur la toile et remodelée et retouchée au fil de l’avancement. Les couleurs me motivent. Je ne choisis pas mes couleurs selon une technique spécifique. Les couleurs sont choisies selon la sensibilité du moment, je les adapte au fur et à mesure. Je prends plaisir à expérimenter et à découvrir chaque fois que je commence une nouvelle toile. Chaque fois que je commence une nouvelle toile c’est comme si c’est ma toute première et la dernière. Elle m’habite pendant quelques temps et puis une fois la dernière touche posée, une nouvelle idée jaillit et je me précipite vers une nouvelle toile blanche.
Marjane Saidi