La culture pour traiter le mal à la racine
Quel est le dénominateur commun des extrémistes à travers le monde ? Leur inculture, incontestablement. A l’encontre de cette affirmation, on objecte souvent que, parmi les extrémistes, on dénombre des hommes et des femmes instruits, ayant parfois fait des études supérieures. Soit. Mais instruit ne veut pas, ne veut plus dire cultivé : de nos jours, on peut faire des études très poussées et demeurer, néanmoins, totalement inculte ! C’est le cas de beaucoup d’ingénieurs, médecins, avocats, enseignants… Ils se sont contentés d’apprendre leurs cours et de réussir leurs examens, sans jamais avoir rien lu à côté.
Démunis culturellement, et donc incapables de faire la part des choses, cette catégorie peut être facilement séduite par les thèses extrémistes. De là à en retrouver quelques-uns dans les rangs de l’extrême droite ou même dans ceux d’organisations terroristes, il n’y a qu’un pas à faire.
Il n’est donc pas étonnant que les extrémistes, une fois arrivés au pouvoir, s’en prennent violemment à la culture et à ses acteurs. C’était le cas des Nazis en Europe, « Quand j’entends parler culture, je dégaine ! » disait Joseph Goebbels, le ministre du Troisième Reich à l’Education du peuple et à la Propagande. En Afghanistan, Les Talibans ont transformé les rares espaces culturels du pays en centres d’endoctrinement des jeunes, détruit systématiquement tout monument à caractère historique ou culturel, dont les fameux Bouddhas géants édifiés il y a plus de mille cinq cents années. A Tombouctou, les islamistes ont mis le feu à des centaines de manuscrits témoins d’une culture ancestrale du Mali. A Moussoul, les militants islamistes de l’EI ont saccagé les statues et les œuvres d’art présentées dans le musée de la ville, pendu le directeur des lieux et exposé son cadavre dans la principale artère de la cité.
L’arme la plus efficace contre les idéologies extrémistes est sans doute la culture. Un homme cultivé est forcément un homme ouvert, donc forcément respectueux des autres, donc forcément tolérant. La culture travaille depuis toujours à ouvrir les esprits et à leur inculquer les grandes valeurs de l’Humanité, à savoir la liberté, la tolérance, le respect de l’autre, la solidarité… Matteo Renzi, le premier ministre italien, a bien compris cela : pour répondre à la menace terroriste, il a décidé d’augmenter le budget de la culture « Pour chaque euro supplémentaire investi dans la sécurité, il faut un euro de plus investi dans la culture », a-t-il expliqué dans un discours au siège de la mairie de Rome.
L’Eclectique magazine a, dès le départ, fait le choix exclusif de la culture, mettant en avant les liens et les passerelles qui s’établissent par la culture et les arts d’une rive à l’autre de la Méditerranée, et bien au-delà. Ce magazine a été mis en ligne il y a un an, jour pour jour, avant les attentats de Paris. Aujourd’hui, plus que jamais, son rôle est indispensable dans le paysage médiatique francophone, car diffuser la culture, c’est traiter le mal à la racine, une équation que certains dirigeants occidentaux commencent enfin à comprendre.
Mohamed Nedali
Mohamed Nedali est écrivain du Maroc. Professeur de français à Tahannaoute dans la région de Marrakech, il est notamment l’auteur de «Grâce à Jean de La Fontaine», roman, Casablanca, Le Fennec, 2004. «Triste jeunesse», roman, Casablanca, Le Fennec, 2012 (Prix de La Mamounia 2012). Le Jardin des Pleurs, roman, Casablanca & France, Le Fennec et éditions de l’aube, 2014. Ses romans rencontrent un vif succès auprès du public et lui ont notamment valu le Prix Grand Atlas en 2005 et le Prix littéraire de la Mamounia en 2012.