L’Eclectique vous propose de vous laisser subjuguer par l’art de la photographie dans le monde arabe pour sortir des sentiers battus et des clichés du quotidien en allant découvrir la première édition de la Biennale des photographes du monde arabe contemporain à Paris.
Consécration de la photographie du monde arabe
La première Biennale des photographes du monde arabe contemporain nous offre une entrée internationale dans un monde arabe parfois “jamais vu”,, méconnu ou mal connu et aussi éclectique que possible. Les sujets mis en perspective par l’écriture visuelle sont aussi divers que la nationalité des photographes présentés à cette exposition organisé par l’Institut du Monde Arabe (l’IMA) et la Maison européenne de la photographie à Paris du 11 novembre au 17 janvier 2016. Le monde arabe est parcouru par l’art de la photographie sous des points de vue différents. Des regards purement artistique ou engagé et parfois les deux sur des clichés qui partagent des instant immortalisés dans une région du monde en effervescence et sous les feux de l’actualité au quotidien. A la découverte des photos, le prisme ou le parti pris de certains photographes parvient à décliner une pellicule d’émotions pour vous faire découvrir, vous interpeller, vous faire rire, vous surprendre, vous faire réfléchir ou encore vous renverser en vous touchant dans les tripes.
Le focus de L’Eclectique
L’Eclectique vous propose un focus sur certains noms de photographes qui l’ont marqué. Amélie Debray, vous propose de “démonter” les clichés sur les palestiniens en nous offrant un instant de paix avec ses photos de palestiniennes et palestiniens autour de leur passion du football qui les réunit et révèle leur unique aspiration, vivre en paix. De jeunes femmes fières de jouer au football et des enfants jouant près de l’insouciance éphémère autour du ballon. Des visages joyeux pour aller au-delà des images souvent vues dans les médias. Amélie Debray partage ainsi sa belle expérience et une autre image du peuple palestinien“qui n’est pas en guerre mais il vit sous l’occupation” dixit la photographe rencontrée sur le parcours.
© Amélie Debray
Lors la visite de la Biennale, nous avons également rencontré le photographe Amine Landoulsi qui décrit sa passion pour la photographie artistique en quelques mots: “Instant de respiration”. Il représente la Tunisie avec deux photos en noir et blanc dont “La Madone de Tunis” prise le 10 avril 2012 pendant une manifestation sur l’avenue Habib Bourguiba à Tunis. La sublime photo immortalise le visage «angélique » d’une jeune femme derrière les boucliers dégradés de la police anti-émeutes et rend très bien l’ambiance confuse et agitée en Tunisie après la chute du régime de Ben Ali le 14 janvier 2011. « Ces boucliers voir même ces policiers pourraient avoir servi l’état policier de l’’ex président Ben Ali pendant 23 ans.» -Amine Landoulsi.
Après l’aspiration tunisienne à la liberté, nous avons découvert le photographe égyptien Nabil Boutros avec sa série d’autoportraits sur laquelle il revêt des apparences et des looks multiples. Ces photos sont une boutade et remettent en question le proverbe “L’habit ne fait pas le moine”. Le photographe vient affirmer le contraire avec cette série intitulée “Égyptiens, ou L’habit fait le moine, 2010-2011” avec laquelle il évoque l’impact des apparences des gens sur les rapports sociaux et la perception des individus dans la société égyptienne. L’approche humoristique nous donne un instant de légèreté avant de se rendre par les allées tamisées à l’évidence artistique de cette exposition.
“Évidence” est le nom de la série de photos magistrale et poignante de Diana Matar, photographe américaine. L’intemporel de son mur de photos en noir et blanc qui nous remuent en évoquant la mémoire des lieux publics où ont eu lieu des exécutions sous le régime de Khadafi. Les petits textes présentant chaque photo de ce mur viennent souligner l’horreur de la tyrannie et l’oppression vécues par le peuple libyen sous ce régime. La photographe parvient d’une manière indiscutable à intégrer notre mémoire avec son œil sur le passé qui hante le présent: “Photographier ce qui ne peut plus être vu”- Diana Matar
“Les Naufragé(e)s”, l’incontournable sujet d’actualité
Prise par l’émotion de l’indescriptible et l’invisible captée, l’exposition se poursuit d’une manière remarquable au 4 ème étage de l’IMA. Géradilne Bloch, commissaire de l’exposition nous fait découvrir le patio où les murs portent l’esprit des “Naufragé(e)s” de Libye, projet du photographe franco-tunisien Samuel Gratacap. Exposés modestement, “Les Naufragé(e)s” de la prison de Zaouia à 80 km à l’ouest de Tripoli nous interpellent par leurs visages portant la détresse. Avec ce projet, Samuel Gratacap pénètre dans l’enfer de ce camp d’enfermement pour migrants excentré qui “contient” uniquement des hommes et des mineurs venus travailler en Libye et survivre des conditions de vies difficiles et dangereuses dans leurs pays d’origine. Ces hommes qui ont perdu leur dignité sur le chemin de leur voyage pour une ville meilleure. Une dignité bafouée au quotidien dans ces camps pour lesquels l’Europe verse des subventions à la Libye. Samuel parvient à transmettre le désespoir de ces humains lors de ses visites sous haute surveillance dans ces camps en 2014-2015. L’approche artistique du photographe peut se fondre dans le photojournalisme car il nous sensibilise sur un sujet méconnu du grand public. Pour pouvoir être réalisé et exposé le projet a reçu le soutien du fonds de dotation agnès b. et le travail de Samuel Gratacap a également reçu le soutien de la Fondation Nationale des Arts plastiques. Des visages d’humains déshumanisés qui vous poursuivent après l’exposition.
L’importance de la création du monde arabe
La Biennale se poursuit dans d’autres lieux de la capitale. Mais après cette première visite à l’IMA, il est déjà possible de dire que cette première édition est une réussite car elle parvient à montrer que le monde arabe n’est pas celui que l’on montre au quotidien, que sa pluralité est méconnue et elle invite à la curiosité pour découvrir cette région du monde autrement. La photographie est ici le trait d’union qui vient lier tous ces artistes bousculant les préjugés sur cette région du monde. Ces artistes et l’art du monde arabe se révèlent incontournables dans la création contemporaine.
Sarah Anouar
Site de la première Biennale des photographes du monde arabe contemporain