Kamal Musallam est un musicien Jazz, un guitariste dont le répertoire est éclectique et caractérisé par la musique “fusion”. D’orginne Palestinienne et Libanaise, Kamal est d’abord un citoyen du monde dont les expériences de vie au Kuwait, en Jordanie, en Suisse, au Liban, en France et actuellement à Dubaï ont fait de lui un artiste international multipliant les collaborations avec des musiciens du monde en passant aussi par l’Asie. Kamal artiste musicien dans l’âme nous offre, avec sa musique fusion et son jazz, des voyages éclectiques portant sa curiosité du monde, sa sensibilité et son talent. L’Eclectique Magazine vous propose son interview interculturelle.
Vous êtes un musicien Jazz, un guitariste de fusion arabe et un artiste international. Qu’est-ce que le mot « fusion » signifie pour vous ?
Selon ma compréhension de «fusion», plusieurs éléments doivent coexister pour devenir le son fusion et réussir à faire ce type de musique. Ceci implique d’abord une réelle compréhension des divers types de musique que nous souhaitons fusionner si c’est de la musique ethnique, arabe ou indienne, jazz, rock ou latine. Après une bonne assimilation et compréhension de ce genre de musiques, nous pouvons devenir expressifs naturellement quand on utilise un élément de ces traditions. Et le résultat atteint pourra sembler homogène et non imposé. L’idée de «fusion» peut être très mal interprétée si les éléments choisis des différentes traditions musicales ne sont pas bien assimilés ou bien placés dans le contexte. Pour moi, la fusion n’est pas un mélange ou une dissolution des identités de différentes cultures musicales mais plutôt la création d’un dialogue bon et sain entre elles. Il s’agit d’avantage de rapprocher les cultures et mettre en valeur la beauté et l’essence de chacune des musiques qui sont fusionnées ensemble.
- Il y a-t-il un type de spiritualité ou d’art de vivre qui inspire votre musique ?
Oui absolument. Je suis tellement dans la spiritualité depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours été curieux de notre existence, de l’univers en cherchant toujours à creuser profondément et loin dans cette vaste connaissance avec la lecture livres religieux et tout genre de livres spirituels. Ceci s’est renforcé avec mes voyages et en vivant dans différents pays. J’ai rencontré et j’ai vécu avec des gens appartenant à des différents groupes ethniques et croyances. Tout cela m’a rendu plus curieux à propos des différences et j’ai compris combien elles étaient importantes dans notre existence. L’inspiration existe dans les variations. Et plus j’explore et je découvre et plus ça enrichit ma compréhension de la vie et inspire mes pensées, mes émotions et éventuellement mon art et ma musique. Je suis toujours fasciné quand une nouvelle révélation de la vie vient à moi et je vais directement composer ou produire. Une nouvelle révélation est l’essence d’une nouvelle création musicale.
- Vous êtes un guitariste vous jouez aussi l’oud et le Glissentar. Pouvez-vous nous en dire plus sur le Glissentar et comment avez-vous commencé à en jouer ?
J’ai découvert le Glissentar en 2007 fabriqué par la marque canadienne de guitares Godin et je l’ai trouvé proche de l’oud. C’est un instrument à onze cordes sans frettes. Depuis que je l’ai acheté, je joue un mélange des techniques de la guitare et de l’oud sur cet instrument. Avec le Glissentar, j’ai exploré une nouvelle approche mélodique du son oriental avec quelques techniques de guitare. Quelques temps après, j’ai suggéré à la marque Godin, l’idée d’un oud électrique mais avec quelques caractéristiques qui le rendent encore meilleur qu’un oud classique dans un contexte de fusion. Ils ont ensuite proposé le Multi-Oud Model que j’utilise actuellement et c’est un bel instrument.
Je dois ajouter à cela ma longue collaboration avec Ibanez Guitares au Japon qui a résulté sur desmodèles de guitare portant ma signature. (Tel le modèle KMM100 surla photo).Ces modèles ont été développés ente 2007 et 2009 puis ils ont été commercialisés en 2010 au Moyen-Orient. Les séries de guitare KMM sont des guitares électriques basiques avec quelques ajouts de frettes pour jouer des quarts de tons caractérisant principalement la musique arabe.
- Quels sont vos projets musicaux actuels et à venir ?
Je travaille actuellement sur deux principaux projets dont la promotion de mon dernier album « Homemade in Rome » avec des concerts et une tournée. Nous avons donné des représentations dans plusieurs pays du Moyen-Orient et nous essayons maintenant de promouvoir l’album en Europe et en Asie. Mon deuxième projet est « EastMania » qui est une plus grande production avec de grands artistes comme le batteur Billy Cobham, le claviériste Gary Husband et le bassiste Kai Eckhardt parmi plusieurs autres grands artistes. C’est un nouveau concept montrant les connexions entre les cultures orientales à travers la Route de Soie et la musique du Moyen-Orient avec une base solide de jazz occidentale et de rock. Le disque sortira au troisième trimestre de 2015 en espérant une tournée mondiale après. Vous pouvez en savoir plus sur le site www.eastmania.net
- La musique est une partie importante de l’identité d’une région, d’un pays et la musique du monde arabe est connue à travers des icônes comme Oum Kalthoum, Abdel Halim Hafez, Baligh Hamdi, Mohamed Abdelwaheb etc… Que pensez-vous de l’industrie de la musique arabe de nos jours ?
Vous avez raison et les noms que vous avez mentionné étaient les piliers de la culture musicale dans le monde arabe pendant pratiquement un siècle. Ces icônes resteront des références pour les décennies à venir en attendant que de nouveaux noms viennent donner le même calibre d’esprit et de créativité sans oublier Fairuz, The Rahbani, Zaki Nasif, Wadih El Safi, Sabah et Sabah Fakhri parmi d’autres du Liban et de la Syrie.
Ceci dit, nous pouvons voir la misérable situation de la musique arabe contemporaine dont la scène est dominée par la production de musique médiocre et des clips vidéo provocateurs qui font la promotion de tout sauf de la musique et la culture. Je ne comprends pas pourquoi le public ne se révolte pas contre ça comme ils l’auraient fait si cela s’était produit il y a cinquante ans. Cette médiocrité affecte sérieusement la culture de chaque individu dans le monde arabe. Mais on dirait que l’audience est hypnotisée en étant dépourvue de toute réaction pour changer cette tendance. Cependant il faut préciser qu’il y a plein d’efforts récents pour créer des nouveaux mouvements d’une culture musicale qui porte beaucoup d’éléments fusionnés et que nous pouvons appeler « fusion ». Une nouvelle tendance qui reflète l’art de vivre interculturel actuel et je suis un de ces musiciens. Même si cette tendance à ajouter une touche culturelle à nos vies n’est pas encore assez mature pour être à elle seule un genre musical représentant le monde arabe. C’est un mouvement sain contre les pressions commerciales que l’on subit dans cette région. Nous espérons gagner la bataille tôt ou tard.